Marquer les esprits pour mobiliser les masses : le pari réussi d’Extinction Rébellion

le 29 novembre 2021

Présent en France depuis 2019, le mouvement Extinction Rébellion (abrégé XR) organise des actions de désobéissance civile dans le but de sensibiliser au changement climatique et inciter à l’action. Occupation de grands espaces urbains, blocages de la circulation routière, mises en scène spectaculaires devant le siège de multinationales…les membres du mouvement mènent régulièrement des actions symboliques pour un changement radical.

A la veille de la COP26, Extinction Rébellion veut alerter sur la catastrophe écologique à venir si les gouvernements ne prennent pas des mesures drastiques pour lutter contre le réchauffement climatique. « A travers nos actions, nous souhaitons attirer l’attention des gens afin de les amener à s’interroger sur le problème, même si l’écologie ne fait pas partie de leurs préoccupations. Il s’agit de viser un public le plus large possible » affirme Stella, une des membres les plus actives sur les réseaux sociaux.

Le choix de la radicalité

Agée de 28 ans, elle a rejoint le groupe il y a 2 ans dans le but de faire entendre la voix des scientifiques, mais également pour pointer l’inaction des gouvernements sur la question climatique : « On en a assez des discours de nos dirigeants qui ne respectent jamais les accords qu’ils prennent alors même qu’il y a une demande croissante de la part des citoyens ».

A ce titre, le 31 octobre 2021, Extinction Rébellion a mené au sein d’un des plus grands centres commerciaux de la capitale, une action spectaculaire. Lieu symbolique du consumérisme, les Halles de Paris représentent ce que les membres du mouvement souhaitaient en partie dénoncer ce jour : la surconsommation menant à la surexploitation des ressources de notre planète.

Au lancement de l’action, plusieurs bannières sont brandies à travers la place centrale, avec des messages tels que « L’horreur est pour demain » ou encore « Inactifs à la COP26, mourants en 2050 ». Dans le même temps, d’autres membres s’assoient en silence avec des pancartes exprimant leur crainte pour leur survie et pour l’avenir. Malgré la réticence des agents de sécurité sur place, en moins de 3 minutes, tout le monde est prêt. Une foule se forme progressivement autour d’eux : leur objectif est en parti rempli. « Nous voulons que les passants s’arrêtent, nous regardent et écoutent notre message. Plus il y aura de personnes autour de nous, et plus nous aurons de chances de faire connaitre notre mouvement et notre lutte » explique Davux (pseudo), un activiste de 48 ans, qui a rejoint XR après avoir vu des actions de blocage en Grande-Bretagne.

La contestation par le spectacle

L’action commence avec l’intervention d’un universitaire sur le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat). Puis, des représentants de Greenpeace France et d’Attac prennent la parole sur les enjeux de la COP26 et des objectifs à atteindre pour 2030. Après 20 minutes de prises de parole, l’action artistique débute alors.

Plusieurs dizaines de personnes maquillées et déguisées en morts-vivants arrivent de manière désordonnée, sur fond de musique de film d’horreur. Certains portent des masques de zombies, d’autres se jettent du sang en se battant : ils jouent ainsi une scène apocalyptique, au milieu d’une place remplie de visiteurs. Les réactions du public sont cependant très diverses. Tandis que certains les filment tout en se moquant d’eux, d’autres observent attentivement. Une partie reste indifférente et ne fait que passer.

Au bout de quelques minutes, les morts-vivants s’effondrent, et des membres déguisés en chefs d’Etat leur lancent des billets de banque « Nous allons vers la mort mais la seule réponse qu’ils nous donnent est celle de l’argent, comme si ça allait tout résoudre » explique Joad, chargé des relations avec les médias au sein du mouvement.

A la fin de l’action, un des activistes crie « Face à l’extinction, rébellion ! », avant d’être repris par l’ensemble des participants à l’action. Tous se lèvent et quittent la place. Plus de deux cent personnes ont assisté à l’évènement.

Quels effets à long terme ?

En proposant des actions chocs, spectaculaires et parfois provocantes, Extinction Rébellion cherche à attirer l’attention de tous les publics, et en particulier des personnes qui seraient les plus éloignées de la cause climatique. Les lieux où se déroulent les actions ne sont dévoilés qu’à la dernière minute : les personnes qui assistent aux évènements de XR n’ont en majorité pas prévu à l’avance d’être présents, et s’y retrouvent un peu par hasard. Autrement dit, sans cet effet surprise, les membres du mouvement n’auraient que très peu de chances de toucher ce public.

Ils réussissent ainsi à attirer l’attention du plus grand nombre…mais pour quelle efficacité ? Lors de l’action menée le 31 octobre dernier, une foule était présente, bien plus par curiosité que par intérêt pour la cause. Beaucoup sont arrivés au moment du spectacle, pensant voir seulement une démonstration artistique le jour d’Halloween. Et une fois l’évènement terminé, chacun est retourné à ses occupations alors que les membres d’Extinction Rébellion organisaient une marche dans Paris. Ils n’ont que très peu été suivis.

Avec un discours alarmiste voire pessimiste, le mouvement semble en partie échouer à motiver les moins sensibilisés à agir. Ils les regardent, prennent des photos pour certains, en rient pour d’autres, puis repartent, comme après avoir vu la bande annonce d’un film qu’ils n’iront pas voir.

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Louise Garcia est une étudiante en journalisme qui couvre les dossiers touchant la culture, le sport, et plus récemment l'économie.

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