L’école en communion avec la nature : des pas pratiques vers une éducation à l’environnement
le 12 décembre 2025
Le 10 décembre dernier à Paris, le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) organisait, à l’occasion de la sortie du livre « Éducation à l’environnement : l’éducation populaire, une histoire et des perspectives », une table ronde mettant en lumière les dynamiques historiques et les initiatives actuelles en matière d’éducation à l’environnement. Voici notre tour d’horizon pour vous aider à initier vos propres projets.
« Il faut que l’enfant vive en communion avec la nature : c’est elle qui développe son corps, son esprit et son cœur », écrivait Maria Montessori. Depuis Rousseau, qui affirmait que « la nature ne trompe jamais », jusqu’à Freinet, pour qui le milieu environnant est « le premier livre de l’enfant », l’éducation environnementale s’ancre dans une riche tradition européenne. Elle est aujourd’hui plus essentielle que jamais, au moment où les crises climatiques, la perte de biodiversité et l’artificialisation des sols obligent les sociétés à repenser leur rapport au vivant.
Retrouver l’esprit originel de l’école : une pédagogie née du vivant
L’éducation à la nature ne s’invente pas ex nihilo. Elle prolonge des courants anciens, depuis les écoles de plein air allemandes et suisses du XIXᵉ siècle jusqu’aux forest schools scandinaves contemporaines. Toutes reposent sur une idée simple : apprendre par l’expérience directe, laisser les mains toucher la terre, laisser les sens soutenir la pensée. Les neurosciences confirment aujourd’hui ce que les pédagogues pressentaient : les environnements naturels stimulent la mémoire, aiguisent l’attention, apaisent les émotions et développent l’empathie.
Ainsi, la nature devient à la fois espace sensoriel, culturel, scientifique et éthique. Elle n’est pas seulement un décor pour l’apprentissage : elle en est la matrice. Observer la marche lente d’un escargot, écouter le vent dans les arbres, reconnaître les traces d’animaux ou suivre le cycle d’une graine suffit à transformer durablement le regard des élèves. L’enjeu n’est plus seulement de « comprendre la nature », mais de renouer avec une relation vivante, inspirante et responsable.
Diversité des modèles : un panorama européen d’expériences éducatives
L’Europe offre une multitude de pratiques pédagogiques, dont la France demeure l’un des foyers les plus actifs.
Les classes découvertes : une tradition toujours féconde
Nées dans les années 1950, les classes de mer, de neige ou de forêt occupent une place affective profonde dans la mémoire scolaire française. Elles permettent une immersion de plusieurs jours, loin du cadre habituel, au cœur d’un écosystème réel.
Ainsi, dans les Alpes, les élèves observent la faune montagnarde avec les gardes du Parc de la Vanoise ; en Bretagne, ils explorent l’estran et découvrent la navigation traditionnelle ; dans les Landes, ils comprennent la gestion d’une forêt plantée à l’échelle d’un territoire entier.
D’autres pays enrichissent cette palette : en Finlande, une journée hebdomadaire est consacrée à l’apprentissage en forêt ; au Royaume-Uni, le John Muir Award initie les enfants à la protection des espaces sauvages ; en Italie, les classes rurales valorisent les traditions agricoles bio et culinaires. Ces approches peuvent se rejoindre dans des projets transnationaux, comme la création d’un carnet naturaliste multilingue ou la comparaison de paysages européens.
Reboiser pour comprendre : l’arbre comme symbole et outil pédagogique
L’arbre occupe en France une forte dimension culturelle, de l’« arbre de la liberté » de 1792 aux initiatives contemporaines de renaturation urbaine. Planter un arbre, c’est inscrire un geste dans la durée — parfois au-delà d’une vie humaine.
Des projets menés à Strasbourg, en Wallonie ou en Slovénie montrent comment ce geste peut devenir rituel éducatif : planter, observer, suivre la croissance, comprendre le rôle écologique des essences locales, relier l’arbre à l’histoire et à l’identité d’un territoire. Planter, en somme, c’est transmettre.
Les fermes pédagogiques : connaître la terre par ceux qui la travaillent
Avec plus d’un millier de fermes pédagogiques, la France propose un exceptionnel réseau d’apprentissage agricole. Les élèves peuvent y traire un âne, fabriquer du fromage, observer des ruches ou s’initier au travail du sol. Mais l’Europe entière décline cette idée : fermes écologiques néerlandaises enseignent l’économie circulaire, catalogne explore les systèmes d’irrigation méditerranéens, et les Biohöfe autrichiens montrent comment l’agriculture alpine s’adapte aux contraintes du climat et du relief.
Ces lieux permettent de percevoir combien l’agriculture, la culture et l’environnement sont imbriqués. Chaque plante, chaque paysage est l’expression d’un savoir-faire humain inscrit dans le vivant.
Autres modèles : jardins scolaires, sentiers pédagogiques, écologie citoyenne
Les jardins scolaires français, héritiers des instructions officielles de 1887 et des humanistes européens, transforment l’école en laboratoire vivant. Partout en Europe, des sentiers pédagogiques accompagnent les élèves dans la lecture des paysages — chemins alpins suisses, itinéraires côtiers portugais, parcours géologiques français.
Enfin, les projets urbains (zéro déchet, lutte contre la pollution, écomobilité) menés à Lyon, Berlin ou Copenhague montrent que l’éducation à l’environnement s’adapte autant aux villes qu’aux campagnes.
Faire ensemble : familles, territoires et Europe en réseau
Un projet environnemental ne se limite pas à un programme scolaire : c’est une œuvre collective, une aventure humaine où chacun apporte son histoire, son savoir-faire, sa culture.
Les familles : lien vivant entre tradition et modernité
Les parents ne sont pas seulement des accompagnateurs : ils incarnent des gestes, des métiers, des mémoires. Jardiniers connaisseurs de la lune, pêcheurs bretons familiers des marées, bergers alpins maîtres des rythmes de la montagne, artisans du bois ou de l’osier… Tous enrichissent le projet.
Des ateliers intergénérationnels — plantation, cuisine durable, balades patrimoniales, récits de légendes — permettent de restaurer un lien précieux entre école, territoire et histoire familiale. En Provence, des parents apprennent à greffer des oliviers comme le décrivait déjà Virgile dans les Géorgiques. À Lille, les potagers scolaires reflètent les migrations : plantes d’Europe de l’Est, d’Afrique du Nord, du bassin méditerranéen.
L’Europe comme horizon éducatif
À l’échelle européenne, les partenariats entre écoles multiplient les possibilités. Les élèves français comparent leur forêt tempérée à la forêt boréale finlandaise ; des classes catalanes et françaises étudient l’eau, de l’irrigation ancienne aux zones humides restaurées ; des projets franco-italiens explorent les cultures culinaires à partir des plantes aromatiques ; des élèves français et allemands créent un sentier virtuel européen de la biodiversité.
Ces correspondances donnent à voir la variété des écosystèmes européens et invitent les élèves à comprendre que la préservation du vivant ne connaît pas de frontières.
Organisation et valorisation : donner une portée durable au projet
Réussir un projet implique une planification claire : thème partagé, calendrier commun, répartition des rôles, outils collaboratifs (Padlet, TwinSpace, visioconférences), documentation régulière. Les collectivités locales, les Parcs naturels régionaux, les associations et les dispositifs européens (Erasmus+, Europarc) offrent des soutiens précieux.
Un projet n'existe pleinement qu’à partir du moment où il est raconté. Expositions, livres numériques, films documentaires, podcasts multilingues, festivals de la nature ou nuits de la biodiversité permettent d’enraciner l’expérience dans la mémoire des enfants et dans celle du territoire.
Conclusion
L’éducation à l’environnement n’est pas un supplément d’âme : elle est au cœur même d’une formation humaine complète. Elle relie les savoirs scientifiques aux émotions, les traditions aux innovations, les territoires locaux à l’Europe. Elle invite les élèves à contempler, comprendre et protéger le monde vivant. Comme l’écrivait Rousseau, « tout est bien sortant des mains de la nature » — encore faut-il apprendre à en être dignes.
Nous remercions chaleureusement le FONJEP pour son accueil, la qualité des échanges et son engagement constant en faveur de l’éducation à l’environnement.
CPM